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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/658

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

d’Azun, près de son confluent avec le gave de Pau. Un peu avant Lourdes, la voie longe la rive de ce cours d’eau et entre dans la célèbre vallée de Lavedan, où viennent déboucher sept autres vallées dites rivières. Enfin, on laissait derrière soi les Pyrénées : il fallait se contenter de cela. Les deux amis se trouvaient délivrés d’un souci : celui de voir le baronnet passer en Espagne. Qu’auraient-ils fait ?

À Lourdes, ils virent la belle route bordée d’hôtels et de villas qui va de la gare au joli village de la grotte. Mais qu’importait cela à Maurice et surtout à Jean qui s’éloignait à contre-cœur de Bordeaux, — de Bordelais la Rose. Ils ne voulaient rien voir, ni l’un ni l’autre, boudaient sir William, et répondaient à peine à ses paroles.

L’Anglais, au contraire, épanoui, radieux s’amusait du bon tour qu’il jouait à ses jeunes amis, ce dont milady ne manquerait pas d’être informée ; et il semblait prendre intérêt à tout. La voie côtoyait de près un cours d’eau :

— Quel est cette petite ruisseau ? demanda-t-il à un gentilhomme campagnard qui lui faisait vis-à-vis.

— Un ruisseau ! Peste ! mais c’est la Garonne, monsieur l’Anglais !

— Très vite ! Elle arrivera avant nous à Toulouse, remarqua le baronnet avec un gros rire.

— Elle y est déjà, milord, et je n’ai pas à vous apprendre qu’elle va plus loin, notre Garonne, elle va à la mer, ni plus ni moins.

— Yes ! dit « milord », la mer, yes ! Aux Anglais, la mer…

Le gentilhomme campagnard eut un regard furieux, suivi d’un haussement d’épaules. C’était un brun, grand — car ses jambes semblaient le gêner — orné de superbes moustaches qu’il tournait en vrille. « Milord » lui fit pitié ; et il se contenta de répondre :

— Oui, oui, à la mer les Anglais !

— Yes ! fit le baronnet qui ne saisit pas la nuance.

Ce que voyant, le gentilhomme campagnard fut tout à fait calmé et reprit d’un ton plus libre.

— Cette Garonne, qui donne son nom à toute une région, à toute une race d’hommes dont on dit : les enfants de la Garonne, prend sa source en Espagne, dans le val d’Aran ; elle commence là par un petit torrent formé des neiges et des glaces du pic Nethou, et bientôt, ce torrent grossi de plusieurs autres, s’abîme dans le gouffre de Clèdes. Quand elle en sort c’est en jaillissant aux flancs d’un promontoire couvert de sapins, entre les racines des arbres et les fentes des blocs amoncelés ; elle bondit en cascades de trente