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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/660

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

lèrent, à l’exception d’un seul, le plus ancien de tous ceux qui existent sur le fleuve en aval de l’Ariège ; le faubourg Saint-Cyprien, ville de vingt mille habitants, qui occupe toute la rive gauche, en face de Toulouse, et plusieurs villages bâtis en briques crues, cimentées par un mauvais mortier, furent presque entièrement rasés ; des centaines de personnes restèrent ensevelies sous leurs décombres. Les pertes matérielles causées par l’immense débâcle, qui renversa près de 7,000 maisons, furent évaluées à 85 millions de francs ; en outre, des campagnes, que l’inondation recouvrit de pierres, devinrent incultivables pour des années. Quant aux plaines d’une si étonnante fécondité qu’arrose le fleuve dans son cours moyen, leurs terres labourées par le flot, leurs arbres déracinés, présentaient l’aspect le plus lamentable. »

Tout en se défendant de rien voir, Maurice et Jean se firent en quelque sorte malgré eux une idée du pays traversé. À Montrejeau, ils descendirent au buffet, où ils dînèrent avec le baronnet. Il leur fallut bien payer le tribut des touristes et reconnaître que de l’extrémité du plateau où se trouve cette ville on jouit d’une vue sur les Pyrénées, justement célèbre. De même, ils virent, en passant, Saint-Gaudens, sur une éminence de la rive gauche de la Garonne avec son église romane, et Muret.

Une demi-heure après, à l’approche de Toulouse, ils franchissaient le pont d’Empalot sur la Garonne, partagé en deux moitiés par une île, puis le canal du Midi.

Ils entrèrent en gare de Toulouse à la clarté du gaz allumé partout.

— Pour peu qu’il s’attarde ici, murmura Maurice à l’oreille de Jean, c’est dans cette ville que je le ferai pincer. Dès que nous aurons un hôtel, je télégraphierai à Caen, pour que miss Kate nous envoie sir Henry : décidément le morceau est trop gros pour moi tout seul.

Méloir fut expédié avec les bagages à la suite d’un courtier d’hôtel, qui réussit à faire agréer ses services par « Milord ». Le baronnet entraîna les deux jeunes gens, qui ne demandaient pas mieux, du côté des promenades et des cafés.

— Aôh ! Il n’est pas dix heures, disait-il ; je ne voulé pas me coucher. Je voulé dépenser bôcoup à Tou-louse, bôcoup !

Et le baronnet répétait : Tou-louse ; et il riait : ce nom ainsi coupé signifiait en anglais, avec une autre orthographe, trop large. — Tou-louse ! Tou-louse ! ô yes !

Non loin de la gare se trouve la place Lafayette ; c’est de ce côté que sir William entraîna ses jeunes amis, et il les poussa dans le Grand-Café, très