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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/672

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

quelques coteaux, ne formant pour ainsi dire qu’une plaine immense et verdoyante, couverte de vignes et de vergers. Le bourgeois de Montauban s’extasia sur les rives de la Garonne, signalées de loin par de longues files de grands peupliers. Il garda un silence prudent sur les inondations qui ne sont que trop à craindre. Il n’en est pas de même pour le Tarn qui coule dans son lit profond de quinze à vingt mètres. L’Aveyron s’émancipe quelque peu, avoua notre homme ; mais il apporte la fertilité de son limon dans les terres qu’il envahit ; c’est un mal pour un bien, ajouta-t-il philosophiquement.

L’industrie et le commerce trouvèrent à leur tour dans l’excellent bourgeois, un habile apologiste. En faisant la part de l’exagération, on comprenait qu’industrie et commerce sont assez développés dans ce même département. L’agriculture fit son apparition sur un sol fertile, des plateaux, des vallées bien cultivées, de beaux pâturages, des céréales en abondance, des fruits, de la vigne, des légumes, des plantes textiles et oléagineuses. Le chemin de fer de Bordeaux à Cette est venu vivifier encore cette contrée. Le bourgeois assura de sa belle voix de basse qu’on envoyait des mulets, des bestiaux, des grains, des fruits à l’Espagne et à l’Italie ; et que la minoterie faisait de grandes affaires, surtout quand la récolte des blés a été bonne.

— C’est Moissac, sur le Tarn, dit-il, qui fait principalement le commerce de la farine épurée, avec le Levant et les colonies. C’est pourquoi cette ville est l’un des marchés régulateurs des grains pour la France entière. En amont de cette ville, ajouta-t-il, deux ponts traversent le Tarn, l’un en pierre portant le canal latéral à la Garonne, l’autre en fer laminé livrant passage aux trains du chemin de fer…

Montauban ne fut pas oublié. C’est en vain que le marchand de fruits secs lança l’appellation de vieille ville huguenote : l’Anglais eut une représentation fidèle de l’une des quatre places de sûreté garanties aux calvinistes au seizième siècle, qui sut résister à une armée de vingt mille hommes commandée par Louis XIII en personne. Le rentier la lui montra sur la haute berge du Tarn, avec son vieux pont ogival à huit arches, l’un des plus beaux ponts anciens de France ; les fabriques, les manufactures eurent leur tour ; les chasselas dorés ou roses qui s’expédient jusqu’en Angleterre ne furent pas oubliés. Le citadin de Montauban se montra même soucieux des beaux-arts, et parla avec conviction des curiosités artistiques léguées par Ingres à sa ville natale et qui font la valeur de son musée.