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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/693

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Sac et giberne ! ajouta Jean après la lecture du télégramme. C’est sous-entendu. Brave cœur, va !

Et il essuya une larme d’émotion.

Jean ne sachant vraiment plus quand il lui serait permis d’aller à Mérignac s’était enfin décidé à se mettre en communication avec son excellent ami. Pourquoi n’aurait-il pas fait jouer ce télégraphe que Maurice employait sans cesse ? La veille encore, le jeune du Vergier avait donné de ses nouvelles à sa famille, à miss Kate et réclamé la prompte arrivée de sir Henry Esmond à Limoges, où le baronnet semblait vouloir faire un séjour. Un télégramme arriva une heure après celui que Jean venait de recevoir : sir Henry malade ne pourrait se rendre à Limoges.

Maurice communiqua à Jean cette fâcheuse nouvelle.

— Il faut nous résigner, conseilla Jean. Aussi bien nous rapprochons-nous de Caen, — de Paris, qui est au bout de la voie ferrée sur laquelle se trouve Limoges.

— Est-ce que les fous marchent droit ? répliqua Maurice avec un hochement de tête qui témoignait de son peu de confiance. Que doit penser de moi, miss Kate ? Quelle dégringolade je dois faire dans son estime ! Ah ! ce baronnet, il me désespère ! Si encore il m’était permis de lui dire pourquoi je suis là ? de faire briller à ses yeux mon dévouement ? Si je pensais faire quelque progrès dans son amitié ? Mais c’est tout le contraire ! Il finira par ne plus pouvoir me supporter ; je lui serai odieux… Et alors que deviendront mes projets de mariage avec l’adorable miss Kate !… Moins de Français que jamais pour gendre : préjugé, entêtement, folie… il me faut combattre tout cela ! c’est à en perdre la raison moi-même. Enfin ! ajouta le pauvre Maurice avec un soupir, je dis comme vous Jean : Paris est au bout du chemin que nous suivons : Paris et Calais, à défaut de Paris et Caen.

— Démêloir ! cria une voix enrouée, au fond du couloir de l’hôtel.

À cet appel, le Breton s’élança, tout en protestant contre l’altération de son nom. Il revint deux minutes après en maugréant :

— Voilà ! Il commande encore de faire les paquets, ce failli merle d’Ingliche !

— Et où allons-nous ? demandèrent d’une seule voix Maurice et Jean. — Maurice ne songea pas à réprimander Méloir pour la liberté de son langage.

— Où ? il m’a dit disant qu’il veut aller à un moulin.

— C’est, ma foi, bien sûr à Moulins ! s’écria le jeune du Vergier avec un accent tragique.