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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/708

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

qu’il se ravisa, pensant avec raison qu’il valait mieux commencer par rendre hommage à leurs produits par une dégustation intelligente.

Or il arriva ceci :

Pendant huit jours le baronnet s’acquitta en conscience du classement des vins de Bourgogne : Avec les huîtres, les Châblis et les crus de Meursault ou de Montrachet ; au pâté de foie gras, les Clos-Vougeot, Pomard, Romanée-Conti. Mais à mesure qu’il devenait plus expert, plus fin connaisseur, son esprit perdait en activité — et en intelligence — ce que son palais gagnait en délicatesse. Il buvait, mangeait, — mangeait pour boire — et se traînait de la promenade de l’Arquebuse au Parc, — jardin français de plus de trente hectares, l’une des plus belles promenades publiques de nos départements. Voilà comment ses journées s’écoulaient.

Maurice et Jean, faisant garder l’Anglais par Méloir, — qui trouvait le moyen, lui aussi, d’apprécier l’un après l’autre les grands crus de Bourgogne, tout en se bourrant de pain d’épices, — Maurice et Jean utilisaient les loisirs que leur faisait la demi-somnolence dans laquelle l’insulaire demeurait plongé, et ils parcouraient du matin au soir la cité bourguignonne, qu’ils connurent bientôt dans toutes ses parties : le vieux Palais-des-Ducs de Bourgogne aussi bien que la maison des Cariatides dans la rue de la Chaudronnerie, la cathédrale Saint-Bénigne avec sa flèche en charpente haute de quatre-vingt-quinze mètres et courbée par un orage au commencement de ce siècle, aussi bien que l’évêché, ou le château édifié par Louis XI, et devenu actuellement caserne de gendarmerie.

Le Palais-des-Ducs, ou palais des États, ou Logis du Roi, aujourd’hui l’hôtel de ville, a conservé de ses plus vieux bâtiments une tour dite de la Terrasse, la tour de Brancion, la grande salle des gardes où se donnaient les banquets de la cour de Bourgogne, les cuisines et les salles voûtées du rez-de-chaussée. Certaines parties neuves ont été affectées aux beaux-arts. Les deux jeunes gens virent aussi la maison où est né Bossuet, sise dans une rue à laquelle on a donné le nom de l’illustre prélat.

Enfin ils jugèrent que Dijon, avec ses 56,000 habitants, occupe un très bon rang parmi les capitales de nos anciennes provinces.

Jean s’étonnait des formes vigoureuses de la population. Les femmes lui semblaient fortes et puissantes, comparées aux femmes du Nivernais fluettes et sèches, aux visages délicats qui, s’ils n’ont pas toujours la beauté pour eux, sont en revanche très souvent remarquablement jolis. Quant au pays, le voyage en chemin de fer le lui avait montré tel qu’il est : une surface