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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/723

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

pas voir revenir le baronnet, dont il répondait sur sa tête, pénétra dans l’intérieur, et, aux premiers mots qui lui furent dits, il courut avertir son jeune maître et Jean. Ce failli merle d’Ingliche, il naviguait sur la Saône !

Ce fut un coup terrible pour le postulant à la main de miss Kate.

— Deshonoré ! s’écria-t-il ; je suis deshonoré !

— À moins que… insinua Jean qui sentait poindre une idée.

— À moins que ?

— À moins que nous ne le rattrapions.

— Mais voilà le difficile ? où est-il ? quelle route suivre ? le chemin de fer ? pour quel endroit ? va-t-il vite, cet abominable baronnet ? va-t-il doucement ?

— J’ai vu des vélocipèdes à louer, en face, dit Jean dont l’idée mûrissait à vue d’œil.

— Allons donc ! fit Maurice exaspéré ; on dirait, Jean, que vous vous faites un malin plaisir…

— Comment ! Mais c’est un vrai moyen que je vous propose ; croyez-moi, mon cher ami.

— Au fait, nous pourrions essayer. Je sais me servir du vélocipède, mais vous Jean ?

— En ma qualité de Parisien, je sais tout sans avoir rien appris… Non, je ne veux pas plaisanter, je ferai pour le mieux, afin de ne pas vous abandonner dans un moment si difficile.

Maurice tendit la main à Jean.

— Et Méloir… qu’en ferons-nous ? dit-il. Un vélocipède et lui ne sont jamais passés par le même chemin. Il faut pourtant qu’il tâche de nous suivre, de nous rejoindre ; nous pouvons avoir besoin de lui…

Jean s’était beaucoup vanté sur le chapitre de l’adresse propre aux Parisiens. Il y parut bien lorsqu’il s’agit de se tenir en équilibre sur le vélocipède et de faire avancer la machine. Aidé par Maurice, qui le soutenait dans ses premiers tours de roue, il accomplit des prodiges d’équilibre, non sans aller plus d’une fois souffler dans la poussière.

Les deux amis avaient pris la route de Senecey-le-Grand pour, de là, retrouver la Saône à Tournus. Méloir était demeuré en arrière, porteur d’une légère valise, en attendant l’heure du train pour Tournus…

Tout à coup, on entendit un grand bruit sur la route, une enfilade de gros mots, un chapelet de jurons : au milieu d’un nuage de poussière galopait le Breton, assommant de coups de poing un grison dont il s’était emparé, —