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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/760

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Des fusils pour l’armée ?

— Nous faisons des fusils pour l’armée, et des fusils de chasse, des pistolets et des revolvers.

Et Étienne Barbeau raconta à Jean comment sa tante Pelloquet devenant de plus en plus revêche, il était entré chez un armurier de Rouen et, peu après, venu à Saint-Éttienne. Les deux jeunes gens avaient quantité de choses à se dire ; et, à bâtons rompus, ils se mirent au courant de ce qu’ils avaient fait l’un et l’autre depuis leur séparation. Pour ne pas les gêner, Jacob voulut aller se coucher de bonne heure.

Étienne s’étonnait que Jean ne fût pas allé dans la Limagne d’Auvergne, puisqu’il avait le choix de la route à suivre.

— C’est à l’ouest, dans le département du Puy-de-Dôme, lui dit-il, entre les montagnes de l’Auvergne et celles du Forez.

Lui, il l’avait parcouru dans tous les sens ce jardin de la France centrale, en venant à Saint-Étienne et depuis, dans des petits voyages, il l’avait vu du sommet de plusieurs puys de la chaîne des Dômes, des terrasses qui dominent la ville de Thiers, et de la plate-forme, encore debout, des ruines du château de Tournoël.

— Thiers, vois-tu… figure-toi une ville dont les rues seraient creusées dans le granit, les routes qui y mènent taillées dans le roc, avec des maisons noires, les environs remplis de ravins profonds où les châtaigniers disputent la place aux cascades. Mais il faut voir comme c’est cultivé cette plaine de la Limagne ! Pas un pouce de terrain perdu ; ni haies, ni barrières : elles tiendraient trop de place. L’Allier y passe à travers une quantité de petits vallons. Il y a là des champs de blé, d’immenses champs de blé ; et puis des prairies bordées de saules, des plants de vignes, des allées de platanes, des noyers isolés… On dirait que tu descends de la Lune ? Eh bien ! alors, comment faut-il que ce soit moi, un Parisien grandi à Rouen, qui t’apprenne ce que tu devrais savoir déjà…

— Vois-tu, mon cher Barbillon…

— Pas de Barbillon !

— Vois-tu, mon ami, je n’ai plus cette curiosité d’autrefois qui nous mettait en route. J’étudie beaucoup, et j’espère bien que je ne ferai pas toujours mon commerce de livres… D’ailleurs, j’en ai une idée de la Limagne par ce que j’en ai aperçu du plateau de Gergovie et de Clermont-Ferrand.

Jean se lança ensuite dans les confidences et dévoila à son ami ses plus secrètes pensées. Ils ne se séparèrent pas sans se promettre de se revoir.