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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/784

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

ter au spectacle plus animé qu’offrent cette suite de bassins conquis sur la mer au moyen de jetées : la Joliette, les bassins du Lazaret, d’Arenc et le bassin National, qui ont plus que quadruplé l’ancienne superficie de mouillage et de quais de Marseille.

Là, à proximité des chemins de fer, s’accusait toute la puissance du trafic de la grande cité maritime. Là, sur les quais de débarquement s’amoncelaient à découvert les céréales de l’Orient, de la Russie et des États du Danube, les graines oléagineuses de la côte occidentale d’Afrique, les sacs de café de la Côte-Ferme, les couffes de sucre des Antilles, les boîtes de thé et les soies de Chine, les balles de coton de l’Égypte et de l’Inde. Là, se rangeaient les laines et les minerais de fer d’Algérie, le pétrole des États-Unis, les bois du Canada, les cuirs de l’Amérique du Sud, le guano du Pérou, les bestiaux de l’Algérie, de l’Espagne et de l’Italie.

Un certain nombre de navires pouvaient s’en retourner sur lest, — chose toujours avantageuse, — et chargeaient des ciments d’Aubagne, des tuiles et des carreaux de l’usine de Saint-Henry (deux localités voisines de Marseille), des houilles du Gard, et même des pierres des Alpes, des sels du littoral, des houilles des Cévennes. Un monde de travailleurs fourmillait dans un va-et-vient indescriptible sur les quais étroits et insuffisants encore, malgré leur immense développement. Les matelots des ports du Levant, au teint bronzé, aux fortes moustaches, au fez rouge dominaient dans la foule bariolée.

Au large, navires à vapeur et navires à voiles se mêlaient aux barques des pêcheurs de thon de la madrague et aux bateaux qui vont de Marseille au petit port du Frioul, établi entre les îles voisines de Pomègues et Ratonneau, véritable brise-lames dont fait partie l’île d’If, — cette île dont le château fut célèbre comme prison d’État, bien avant qu’Alexandre Dumas y eut trouvé Dantès et l’abbé Faria.

On conçoit que la rade de Marseille soit sillonnée de navires : il entre ou il sort de ses ports environ dix-huit mille navires par an : cinquante chaque jour ; sur ce nombre plus de la moitié en bateaux à vapeur. Il y a des services réguliers de paquebots établis entre Marseille et l’Italie, Malte, Constantinople, la Syrie, l’Égypte, la Corse, l’Algérie, l’Espagne, l’Inde et l’Indo-Chine.

Si Jean n’avait pas été possédé par la fièvre des voyages, qui devaient, il le sentait bien, faire de lui un homme et un être nouveau, cette fièvre lui fût venue à la vue de tant de pavillons étrangers, arborés par ces navires originaires de ces contrées lointaines où il irait peut-être un jour.