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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/797

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Quelques jours s’écoulèrent bien rapidement, et Bordelais la Rose ramena son jeune ami à Bordeaux. On attendait l’arrivée de M. de Brazza, annoncée de Paris comme imminente.

De grand matin, Jean et Bordelais virent tout de suite, amarré au quai, le navire qui devait transporter l’expédition sur la côte africaine, le Précurseur, bateau à vapeur de la maison Tandonnet.

Le personnel qui suivait l’explorateur se composait d’une trentaine de personnes attachées à la partie scientifique ou politique de l’expédition, plus seize contremaîtres de différents corps de métiers ; en outre M. de Brazza devait prendre à Dakar cent tirailleurs sénégaliens. Il emportait des armes et des munitions : 350 mousquetons, 150 revolver, 4,000 sabres, 12 canons de campagne avec leurs affûts, de la poudre et des projectiles ; en outre un petit vapeur (le Papillon) dont la machine se démontait, destiné à explorer les cours d’eau peu profonds, enfin, une grande quantité de provisions de toute sorte, une balle de couvertures de laine, etc.

M. de Brazza devait rejoindre le Précurseur à Pauillac.

Autour du navire à vapeur régnait une grande animation. Chaque passager faisait embarquer ses bagages. Bordelais la Rose veilla à ce que tout ce que Jean emportait fût rangé soigneusement dans sa cabine. L’excellent homme avait les larmes aux yeux, et pour se donner une contenance mâle, il répétait sans fin : sac et giberne ! sac et giberne ! Puis, se ravisant :

— Mais ce ne sont pas les adieux ! J’irai te retrouver à Pauillac : une heure et demie de chemin de fer ce n’est pas une affaire ! Ici, c’est une fausse sortie, comme au théâtre : tu pars, et demain je te retrouve. Tu me diras si tu te sens le pied marin… Mais que cherches-tu ? ajouta Bordelais la Rose en voyant le regard de Jean errer vers les quais.

— Rien, rien, répondit ce dernier.

Les partants recevaient des accolades et des poignées de main de leurs amis, accompagnées de souhaits chaleureusement exprimés. Jean s’étonnait de n’avoir pas trouvé à Mérignac d’autre lettre d’adieu que quelques mots de Jacob Risler datés d’Ajaccio. Le porteballe se plaignait de son état de santé, qui lui laissait peu d’espoir de revoir son neveu… Jean se demanda si ses amis l’oubliaient. Il avait pourtant annoncé son départ à Maurice, à Modeste Vidal, à M. Pascalet, à Werchave ; il avait pris congé de son oncle Blaisot, du baron du Vergier et de sa femme, de Sylvia, de sir William et de miss Kate. Si Maurice allait lui faire la surprise de venir ?

— Que regardes-tu donc, enfin ? dit encore Bordelais la Rose.