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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

« jouissant » d’un fort mauvais renom, ayant jadis été occupé, le jour par des détrousseurs de bourses, la nuit par tous les sorciers et sorcières qui exerçaient leurs maléfices à vingt lieues à la ronde ; de même on lui dit la légende sanglante de la tour de Cologne : il paraît que cette tour, située à deux kilomètres à gauche de la route, avait vu au temps des guerres de religion s’accomplir de sang-froid un massacre de prisonniers huguenots…

Un peu avant d’atteindre Saint-Cernin, il aperçut un château sur une hauteur très escarpée du côté de la vallée où coule la Doire, et il ne fut pas longtemps sans savoir que c’était le château d’Anjony, dominant le petit village de Tournemire. C’est un donjon carré, du quatorzième siècle, fort bien conservé. À chaque angle, une tour ronde très élevée, couverte d’un toit, domine l’édifice principal.

Il était quatre heures de l’après-midi lorsqu’il passa par la petite ville de Saint-Cernin. Il s’y arrêta un moment pour y acheter un petit pain, car lui et le Bordelais avaient oublié de déjeuner ce jour-là, et la faim se faisait sentir. Au sortir de cette ville, la route descendait dans la vallée de la Doire et, après avoir franchi la rivière, montait ensuite ; puis il descendit une côte dominée par l’énorme masse basaltique des « orgues de Loubéjac » dans laquelle s’ouvrent plusieurs grottes.

Après avoir dépassé Saint-Chamant, il franchit la Maronne, qui coule au fond d’une vallée bien connue des touristes. Saint-Martin-Valmeroux est situé sur la rive droite de la Maronne. Il donna un coup d’oeil aux ruines du château de Crèvecœur et remonta péniblement une pente extrêmement raide pour atteindre enfin le but de son voyage : Salers.

C’est une ville fortifiée ayant conservé la physionomie féodale qu’elle avait lorsqu’elle résistait au quatorzième siècle aux Anglais et aux routiers, et un peu plus tard aux protestants et aux Ligueurs. Elle dresse sa silhouette grise sur un mamelon basaltique, à près de mille mètres d’altitude. Du côté du sud-est, au pied des murailles qui l’entourent, la ville est terminée par de brusques escarpements, au bas desquels coule la Maronne.

Le petit Jean s’engagea à travers les ruelles noires, sombres, pavées de basalte. Plusieurs maisons à tourelles étaient jointes ensemble par des arches.

La première auberge, à quelques pas de la tour de l’Horloge — c’était aussi une maison à tourelles et pignons, datant du quinzième siècle — où il entra pour se renseigner sur Bordelais la Rose et le père Abel, était celle où ces derniers venaient de descendre. Il se trouvait que justement Jacob Risler