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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/87

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Oh ! ce n’est rien encore ! reprit Jean avec une véhémence rare chez un jeune garçon ; lorsque vous voulez emprunter de l’argent… sans intention de le rendre, vous parlez de mariage, comme si vous n’aviez pas une femme au pays !

Le ricanement de Hans Meister s’accentua et Jacob y mêla son gros rire brutal.

— Vous ne ririez pas, fit Jean, si je vous disais qui j’ai vu sortir d’un wagon entre Brive et Turenne, où une dame a été assassinée et volée.

— Tiens ! Il en sait long, le petit, s’écria l’ancien sabotier visiblement décontenancé. Si tu dis un mot de plus, ajouta-t-il d’un ton de véritable colère, je te tire les oreilles ! Et tu sais comment je m’y prends ?

— Oui, oui, je me rappelle vos tendresses d’autrefois. Mais nous verrons tout à l’heure… comment vous parlerez devant M. Bordelais la Rose.

— Qu’est-ce que c’est que ce Bordelais en fleur ? grommela Jacob.

— C’est un honnête homme, et qui saura prendre ma défense.

Hans Meister ne ricanait plus ; mais il louchait davantage. Il dit quelques mots en allemand à son compagnon. Les deux hommes parurent se concerter un instant comme s’il s’agissait d’aviser…

— Oui, nous verrons, mauvais gueux ! dit enfin Jacob. Tu es bien le fils de ton père qui, pendant la guerre faisait le métier d’espion, et dont on a fait sauter en l’air le cadavre en faisant sauter le pont de Fontenoy !

— Encore ! et toujours ! Oh ! l’indigne parent que vous êtes ! Vous savez bien que vous mentez ! Comment osez-vous parler ainsi ?

Depuis le moment de cette rencontre, Jean ne cessait de regarder le ruban rouge qui décorait la boutonnière de la jaquette de Jacob et d’étudier la figure du compagnon de celui-ci, que faisait grimacer une gaieté sinistre. Exaspéré, il porta violemment la main sur ce ruban et il essaya de l’arracher ; mais il en fut empêché.

— Tu es trop petit… mon petit ! fit Jacob Risler, en repoussant brutalement le pauvre garçon jusque dans les jambes du ténébreux Allemand.

En ce moment, le cheval du cabriolet montait au pas la côte. Jacob Risler, très soucieux, réfléchissait, excité semblait-il par de courtes phrases que mâchonnait son compagnon. D’accord enfin avec ce dernier, il jeta soudain le cabriolet dans un chemin qui passait entre la ville haute et un quartier moderne situé en contre-bas.

Il fouetta vigoureusement le cheval, qui changea d’allure, et Jean s’aperçut