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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/88

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

bientôt que la voiture abandonnait la montée de la ville pour gagner la campagne.

Alors, le petit Parisien eut conscience de la maladresse qu’il venait de faire ; emporté par la vivacité de son ressentiment il s’était mis étourdiment à la merci d’un homme capable de tout. Plusieurs fois il essaya de crier lorsque la voiture se trouvait près d’une maison placée sur le bord du chemin, ou que l’on rencontrait des paysans ; mais aussitôt Jacob et son compagnon criaient aussi, interpellaient les gens en divers idiomes, l’un ricanant, l’autre riant d’un gros rire, de telle sorte qu’on pouvait croire à une gaminerie et que personne ne répondait aux appels du jeune garçon.

Jean dut se résigner. — Décidément, se disait-il, ce Jacob est un misérable !

Cette réflexion trahissait son peu de confiance dans son parent.

Le cabriolet courait aussi vite que pouvait le permettre un sol inégal, des coudes nombreux et aussi les mauvais passages que présentait une étroite corniche taillée sur l’arête même du plateau qui limite, au nord, la haute vallée de la Maronne, et sur laquelle Jacob Risler, après avoir hésité un moment sur la route qu’il suivrait, avait engagé le léger véhicule. Chaque grosse pluie, chaque fonte de neige au printemps ravine le fragile rebord et change le plan horizontal de la route en un talus incliné vers les précipices. Le cabriolet allait du côté de l’est, dans la direction de Murat, par la route ouverte pour mettre en communication, à travers les montagnes, cette dernière ville et Salers.

L’élévation de cette corniche variant sur son parcours entre mille et douze cents mètres de hauteur absolue, c’est-à-dire au-dessus du niveau de la mer, le refroidissement de l’atmosphère était déjà très sensible, en ce commencement d’août, au moment où le soleil allait se coucher ; on sentait qu’une gelée blanche se préparait pour la nuit, et Jean très peu vêtu, sans rien à la tête, impressionné aussi par sa situation, frissonnait de fièvre et de froid.

Le jour était encore assez grand pour permettre de bien voir le pays qui se développait en face et dans les fonds, à droite de la route taillée dans le roc. C’était la vallée de la Maronne décrivant une courbe au pied du puy Violent, qui n’a pas moins de 1,594 mètres. La base de cette montagne est disposée du côté du nord en larges gradins, couverts de sapinières jusqu’aux limites des pâturages. Bien loin, au-dessous, défilaient les hameaux de Saint Paul, de Recuset, de Couderc « semés, pour employer une expression laudative d’un touriste, comme des nids d’églogues dans une verdure intense ».

À une profondeur plus grande encore, la rivière, après avoir recueilli dans