Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Qu’est-ce que le Falgoux ? Une montagne ? une ville ?

— C’est un village… pas trop loin d’ici. Tiens-toi tranquille. Ce n’est pas la première fois de ta vie que tu as vu une forêt. Je pense que dans les gorges des Vosges il y a des sapinières qui valent bien celle-ci ?

— Oh ! non ! fit l’enfant, je n’ai jamais vu de forêt si… épaisse.

— J’ai cru que tu allais dire si effrayante. Puisque tu es avec nous ?

C’est justement parce qu’il était « avec eux » que Jean ne se sentait nullement rassuré. Il ne répondit rien, mais il songea sérieusement à s’esquiver à la première occasion.

Elle s’offrit, autrement qu’il ne l’avait attendue : un hêtre était récemment tombé en travers de la route, pas assez pour l’obstruer totalement de ses plus fortes branches, mais il fallait descendre de cabriolet et prendre le cheval par la bride pour le guider dans l’étroit espace laissé à peu près libre.

Hans, qui depuis un moment regardait chaque arbre comme s’il en cherchait un convenable à quelque projet criminel, voyant la route encombrée, poussa du coude Jacob, et lui dit en allemand :

— Pourquoi aller plus loin ?

— Où est la corde ? répondit l’autre.

— Sous mes pieds.

Jacob se baissa pour ramasser cette corde, qui devait servir… à quoi ? C’est ce que le petit Parisien jugea prudent de ne pas vérifier. Il profita du court moment où Jacob se penchait, pour sauter du cabriolet. L’Allemand tendit une large main pour s’opposer à sa fuite ; mais n’y réussit pas. Déjà le jeune garçon s’enfonçait au plus épais des fourrés.

— Jean ! cria « l’oncle » Jacob. Jean !

Il radoucissait sa voix ; parvenait presque à la rendre caressante.

— Jean !

Jean s’éloignait, écartant les hautes herbes et les arbustes avec le moins de bruit possible.

Il était évident pour les deux hommes que si Jean ne répondait pas, c’est qu’il ne voulait pas répondre.

Jacob n’appela plus, peut-être soulagé d’être forcément délivré de l’obsession d’une pensée coupable…

L’homme aux yeux louches, n’ayant pas les mêmes scrupules, essaya d’être plus persuasif, et se mit à appeler Jean d’une voix gutturale qui voulait être flûtée, mais qui trahissait la fausseté du personnage.

Constatant leur insuccès, les deux compères se mirent à se disputer en al-