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Page:Annales du Musée Guimet, tome 2.djvu/18

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ANNALES DU MUSEE GUIMET

causa un désappointement d’autant plus vif que ni les savants sanscritistes ni les sinologues ne pouvaient s’empêcher d’être convaincus que des manuscrits indiens avaient existé en Chine jusqu’à une époque très rapprochée de nous. Ils avaient été vus par des Européens, entre autres par le docteur Gutzlaff, le zélé missionnaire en Chine, qui, dans une note écrite peu de temps avant sa mort et adressée au colonel Sykes (Journal R. As. Soc. 1856, p. 73), annonçait que lui-même il avait vu en Chine des manuscrits palis conservés par les prêtres buddhistes. Que ces manuscrits fussent écrits en pali ou en sanscrit, cela importait peu, même en supposant que le Dr Gutzlaff n’eût pas su distinguer entre les deux langues. Il parle avec un grand mépris de la littérature buddhique en général. « Il n’y a pas un seul prêtre, dit-il, qui soit capable d’expliquer les textes palis bien que quelques-uns soient interlignés de chinois ». « Un petit nombre de livres, écrit-il, sont écrits dans le caractère primitivement employé pour écrire le pâli, et peuvent être considérés comme des transcriptions fidèles des premiers écrits du buddhisme. On les tient pour très sacrés, pleins de mystères et de sens profonds et par conséquent pour reliques des plus précieuses du fondateur de cette religion. Avec les lettres de cet alphabet les prêtres accomplissent des incantations[1] pour chasser les démons, délivrer les âmes de l’enfer, faire pleuvoir, prévenir les calamités, etc. ; ils les tournent et les retournent de toutes façons et assurent que les démons les plus terribles tremblent quand on les récite. »

Ceci peut se mettre sur le compte de la répugnance des prêtres à communiquer leurs vieux manuscrits sanscrits ou palis, mais prouve en même temps que ces manuscrits existent encore et naturellement confirme notre espoir de les posséder un jour ou l’autre.

On trouve une autre preuve évidente de l’existence en Chine de manuscrits sanscrits dans la relation du voyage du Dr Edkins à Ning-po et à T’heen-thaé. Arrivé à Fang-kwang, il fait l’ascension de la colline de Hwa-ting ; il décrit un petit temple, situé au sommet de cette colline et habité par un prêtre. « Épars sur la colline, ajoute-t-il, se trouvent de petits temples habités par des prêtres, mais celui qui est au point culminant est le plus célèbre, car c’est là que Tche-K’haé passa une partie de sa vie à adorer le manus-

  1. Beal, catalogue, p. 66.