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Page:Annales du Musée Guimet, tome 6.djvu/385

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LALITA VISTARA. — CHAPITRE XXVI

Et en ce moment, Religieux, la grande rivière Gangâ était extrêmement pleine et coulait à pleins bords.

Alors, Religieux, le Tathâgata s’approcha d’un batelier pour passer à l’autre bord. Celui-ci dit : Gâutama donne le prix du passage. Ami, je n’ai pas le prix du passage, répondit le Tathâgata et en parlant ainsi, le Tathâgata passa d’une rive à l’autre, à travers le ciel. Alors le batelier en voyant cela fut tout chagrin et se dit : Un être aussi digne d’être honoré par des présents, n’a pas été transporté par moi ! Ah ! quel malheur ! Et, en parlant ainsi, il tomba à terre privé de sentiment. Puis, le batelier alla rapporter cet événement au roi Bimbisâra : Seigneur, le Çramaṇa Gâutama à qui je demandais le péage, m’a dit : je n’ai pas de quoi payer le passage. Et en disant cela, il s’en est allé d’une rive à l’autre à travers le ciel. Tel fut le rapport de celui-ci.

Quand il eut entendu ces paroles, le roi Bimbisâra, à partir de ce moment, abolit le péage pour tous les religieux errants.

Ainsi, Religieux, le Tathâgata allant successivement dans plusieurs pays arriva à l’endroit où se trouve la grande ville de Vârâṇasi. Arrivé là, il revêtit l’habit de religieux, prit un vase aux aumônes et le manteau, et entra dans la grande ville de Vârâṇasi pour demander l’aumône. Après l’avoir parcourue pour l’aumône, avoir fait pour sa nourriture ce qu’il fallait faire, et mangé ce qu’il avait (recueilli) dans sa sébile, il se dirigea vers le bois des gazelles de Rĭchipatana et vers l’endroit où se trouvaient les cinq de bonne caste. Ceux-ci virent de loin le Tathâgata qui venait, et, en le voyant, firent une convention : Voilà le Çramaṇa Ayouchmat Gâutama qui s’approche ; ce relâché, ce gourmand, gâté par l’abandonnement. Si, par des mortifications difficiles à pratiquer, il lui a été impossible, autrefois, de manifester d’aucune manière la supériorité de la vue d’une science vénérable au-dessus de la loi humaine, à plus forte raison, maintenant, qu’il prend une nourriture abondante et reste attaché à l’usage d’une nourriture bien préparée. Il est, en vérité, relâché et gourmand. Il ne faut pas du tout aller au-devant de lui ni se lever en sa présence ; il ne faut prendre ni son manteau de religieux ni sa sébile ; il ne faut lui donner ni siége, ni breuvage, ni nourriture, ni rien pour poser ses pieds ; il faut dire : excepté ces siéges, il n’y en a pas d’autres. Ayouchmat, voilà ce qui reste de siéges ; s’il le désire qu’il s’asseye. Voilà ce qu’ils dirent.