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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/134

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critique sociale

L’espérance n’est pas bannie ! j’entends… l’ouvrier qui peut devenir patron, le tâcheron, le marchandage. Oh ! oui, compris ! trop compris !

Ce dernier mot vient de couper mon fou rire. J’en ai encore les yeux en larmes, mais je ne ris plus. Le tâcheron en perspective ! On sait de quoi il est la graine. C’est dommage ! Une si désopilante péroraison ! De quoi se faire du bon sang pour la huitaine ! Voyez-vous ce travailleur, les bras levés au ciel dans un sombre désespoir, parce qu’on ne peut plus prêter ni emprunter. « Que faire, ô juste ciel ! Que devenir sur cette terre, Si on n’emprunte plus quand on est jeune, Si on ne prête plus quand on est vieux ! »

Là, là… cher ami, la douleur vous égare. Dans les vieux jours, quand le patron vous met dehors, cassé et usé, on n’est guère en fonds pour prêter, et, dans l’âge de la force, on n’emprunte pas. On n’en a pas besoin.

« Si fait bien ! on emprunte pour travailler. »

Ah ! oui, pour faire travailler, pour s’établir. J’y suis. Mais, si tous les travailleurs s’établissent dans leur jeunesse, il ne restera plus d’ouvriers, il n’y aura plus que des patrons. Ou plutôt ouvriers et patrons auront également disparu, et on ne verra que des citoyens s’occupant, chacun à part pour son compte. Or, en général, un travailleur isolé peut vivre, mais n’amasse point. Le profit est prélevé sur les salaires. Plus