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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/45

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l'usure

mourront peut-être à l’hôpital. Bienheureux encore, si nous élevons nos enfants jusqu’à l’âge d’hommes, pour qu’ils reprennent notre collier de misère,

Gobseck. — Oh ! moi, je veux que mon fils reçoive une éducation brillante, et puisse jouir en paix de l’opulence acquise à la sueur de mon front.

Lazare. — Quel front ? Ah ! oui, au fait en voyant suer les autres, on se figure qu’on sue. Effet de sympathie.

Gobseck. — J’aurai eu la peine, il aura le plaisir. Je suis content, puisqu’il est mon fils. Il fera honneur à mon nom. Il tiendra un rang.

Lazare. — Vous n’en tenez pas, vous. C’est là que le bât vous blesse. Si vous êtes jamais municipal, ce sera tout. Pas fameux ce bâton de maréchal. D’ailleurs, la caque sent toujours le hareng. Ce n’est pas dans une échoppe à victuailles, ou derrière un guichet d’usurier qu’on apprend le grand genre.

Gobseck. — Tu voudrais me vexer.

Lazare. — Mais non ! je vous console.

Gobseck. — Bah !

Lazare. — Certainement. Je vous dis comme les choses se passent, afin de vous ôter le regret, Voyez-vous, chacun et chaque chose a son temps et sa manière… Vous étiez né vautour…

Gobseck. — Est-ce une consolation, ce mot-là ?