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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/49

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l'usure

la monnaie. Il travaille donc pour avoir l’instrument de grugerie. Il n’a qu’une idée fixe : l’argent. Pauvre, où le prendre, sinon dans la poche du voisin ? — Sans risque du code, bien entendu. — Le travail est bon pour engrener. Mais il n’a jamais empli la bourse. Tout au plus permet-il de vivre. Y compter pour la fortune, en dehors de ce qu’on appelle les professions libérales, c’est vouloir mettre le soleil en bouteille.

Dans l’agriculture, l’industrie et le commerce, on ne peut s enrichir que par le travail d’autrui. Écumer le publie, c’est-à-dire vendre sans acheter d’abord, afin de grossir l’épargne, puis faire valoir son magot à outrance, par tous les moyens, sous toutes les formes, voilà le secret. Le jeune vautour ne dépense rien. Il boit de l’eau, mange du pain sec, loge dans un trou, porte des loques, n’use ni bois, ni charbon, ni chandelle. Il a, pour rançonner, des imaginations impossibles. Dur pour lui-même, impitoyable au prochain, il laisserait froidement périr dix mille individus sous ses yeux, ne fallût-il qu’un centime pour les sauver. C’est l’homme-épargne, l’homme vertueux des économistes.

À mesure que les dollars s’amoncellent, il agrandit son champ d’exploitation. Il est entrepreneur, fabricant, brasseur d’affaires. Il se lance dans les spéculations, non point en aveugle, il a l’œil perçant de sa race et fond de haut sur sa