le corps est rassasié. L’amour n’est qu’un feu de paille ; la
chair flambe ; il ne reste que désillusion :
A vingt ans un trouble nouveau,
Sous le nom d’amoureuses flammes,
M’a fait trouver belles les femmes.
Elles ne m’ont pas trouvé beau[1].
Les meilleurs vins ne manquent pas de lie ; elle se dépose
au fond des plus belles coupes. Ainsi pour l’amour. Désenchantement
ou dégoût, telle est la rançon des passions :
Toutes les amours de la terre…
Les charnelles, les idéales,
Toutes ont la guêpe et le ver[2].
Verlaine a donc exprimé l’amour dans toutes ses phases,
avec une sincérité poussée si loin qu’elle atteint trop souvent
le réalisme le plus cru. Il s’est montré le jouet d’une passion
qui débute dans le cœur par les mirages décevants de
l’amour chaste, qui croît, la virilité aidant, jusqu’à ce libertinage
précieux sous lequel il est pardonné dans notre
société de dissimuler l’âpreté du désir, qui se développe en
tyrannisant l’être, en le jetant en proie à la luxure et à la
perversité jusqu’au jour où, dominante enfin, elle jouit de sa
victoire que le gâtisme du vaincu a rendue définitive.
L’amour où les poètes croient trouver la solution du Néant
n’est qu’un chemin sans issue ; après d’innombrables vicissitudes
et des leurres multipliés, il ramène sa victime dégradée
en face de cette muraille infranchissable qui s’appelle
la faiblesse humaine. Et pourtant, malgré cette constatation,
Verlaine ne songe pas au suicide. Il aime la vie, il espère :
Ah ! que du moins, loin des baisers et des combats.
Quelque chose demeure un peu sur la montagne ![3]