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LES VERLAINIENS


à des tournures syntaxiques inusitées qu’il ose par imitation : j’en ai lus mourir [1], par analogie avec le que j’en ai vus mourir de Victor Hugo, enfin à de purs calembours, comme en fournit la preuve le Sonnet à sir Bob, chien de femme légère, braque anglais pur sang, dont il envie le sort :

Si je m’appelais Bob… Elle dit Bob si bien !
Mais moi je ne suis pas pur sang — Par maladresse,
On m’a fait braque aussi… mâtiné de chrétien.


Après ces excentricités grammaticales et philologiques, il ne restait à Corbière qu’à ramener la syntaxe à sa plus simple expression. Par lassitude de snob, il s’est offert le spectacle de cette ultime prestidigitation. Dans le poème Rescousse, il a supprimé tous les mots qui ne sont pas indispensables à la clarté de l’expression et inauguré par le dernier vers du morceau, son fameux « Vais m’en aller », cette poésie balbutiante dans le genre de laquelle Arthur Rimbaud a composé ses meilleures pièces.

Avec Verlaine, Corbière prouve ainsi que la poésie n’est pas la littérature. Il desserre la période au point de n’en conserver que l’essentiel. De là dans la forme le nervosisme d’abord, le lallalisme ensuite. Excentricité dans l’idée, excentricité dans le style, tel est donc le symbolisme de Corbière. N’est-ce pas au reste son propre aveu, quand, se dépeignant lui-même, il se reconnaît « Mélange adultère de tout » et s’avoue « Trop réussi comme raté »[2].

8. Arthur Rimbaud. — Corbière souffre de dandysme. Rimbaud est atteint d’hystérie de l’originalité. Le terme paraît blessant pour caractériser sa poésie. Il n’est ni faux ni excessif, si l’on veut se souvenir que Rimbaud lui-même, ému soudain de cette monomanie, s’en évada comme d’un enfer, et qu’au seuil de la mort, alors qu’il évoquait le sou-

  1. Un Jeune qui s’en va.
  2. Épitaphe.