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LES MALLARMÉENS

(du rêve ou du vers) serait donc la haute conscience du moi ; le symbolisme serait précisément l’expression de cette poésie, et le travail du poète demeurerait d’auto-psychologie intuitive [1]. » Et Vielé-Griffin condense sa conclusion dans cette définition lapidaire : « La poésie est l’expression de l’individualité même d’un individu [2]. » Or, cette individualité n’a pas des caractères immédiatement sensibles. Elle se traduit par une évolution lente et ne livre ses traits originaux que par une série d’épreuves successives, autrement dit, le poète ne peut la dégager qu’après diverses expériences. De même que Laforgue se révélait au jour le jour et selon les hasards de la vie quotidienne, de même la muse de Vielé-Griffin papillonne autour des sujets les plus variés. Voici d’abord la poésie primesautière, fraîche et gaie, les descriptions délicates et souvent jolies de Ceuille d’Avril et des Cygnes. A ces chants finement évocateurs succède l’allégresse capricieuse de Joies, les chansons anciennes, les rondes enfantines, les refrains traditionnels qui font de ce recueil le pendant psychologique des Complaintes. Puis viennent dans un lyrisme plus épanoui les poèmes « dédiés au printemps de Touraine », ces morceaux de Clarté de vie aux images colorées, mais gracieuses où l’amour de la nature ajoute encore au charme de la description. Ce sont aussi les analyses psychologiques et les méditations métaphysiques des Cygnes, Nouveaux poèmes. C’est enfin l’aveu qu’il ne faut se cantonner en poésie dans aucun genre spécial. Les poèmes rustiques, la Moisson, la Fenaison, la Vendange, les élans lyriques sur la nature et les hommes, servent autant que les légendes, l’Ours et l’Abbesse, Saint-Martinien, la Chevauchée d’Yeldis, la simplicité de l’enfant ou la réflexion du philosophe à dévoiler le mystère qui sommeille au cœur du poète

  1. Qu’est-ce que c’est ? Entretiens politiques et littéraires, 1891, t. II, p. 65.
  2. Réflexions sur l’art des vers, p. 217.