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Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/262

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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

petits. Une heure et demie de voiture jusqu’à Chpatowka, pendant laquelle j’entrevois une quantité de rivalités et de pointes d’épingles entre mon père et les Babanine ; je tiens la tête haute, je tiens en échec mon frère qui est d’ailleurs tout enchanté de me voir.

Je ne veux me mettre d’aucun parti, J’ai besoin de mon père.

— Gritzko (nom petit Russien et villageois de Grégoire) est resté deux semaines à t’attendre, me dit Paul, — on croyait que tu ne viendrais plus.

— Et il est parti ?

— Non, je l’ai laissé à Poltava ; il désire beaucoup te voir. « Tu comprends, me dit-il, je l’ai connue petite comme ça. »

— Alors il se croit un homme et il me croit une petite fille ?

— Oui.

— C’est comme moi. Comment est-il ?

— Il parle français toujours, il va dans le grand monde à Pétersbourg ; on le dit avare ; il n’est que raisonnable et comme il faut. Nous voulions, lui et moi, te recevoir avec un orchestre à Poltava ; mais papa a dit que cela n’était dû qu’à des reines.

Je remarque que mon père craint de paraître fanfaron et vaniteux. Je le rassurerai bien vite, j’adore toutes ces bêtises qu’il idolâtre.

Dix-huit verstes de champs labourés, et enfin le village formé de huttes basses et pauvres. Tous les paysans se découvrent d’avance en apercevant la voiture. Ces bonnes figures patientes et respectueuses m’attendrissent, je leur souris et, tout étonnés, ils répondent par des sourires à mes petits saluts amicaux.

La maison est d’un seul étage, petite, avec un grand jardin assez sauvage. Les paysannes sont remarquable-