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JOURNAL

ment bien faites, belles et piquantes dans leurs costumes qui dessinent toutes les formes et laissent voir des jambes nues jusqu’aux genoux.

Marie, ma tante, nous reçoit sur le perron. Je me baigne et nous dinons. Plusieurs escarmouches avec Paul. Il tâche de me piquer, sans le vouloir peut-être, n’obéissant qu’à l’impulsion donnée par son père. Je le remets superbement à sa place, et c’est lui qui est humilié là où il désirait m’humilier. Je lis au fond de lui. Incrédulité quant à mes succès, pointes d’épingles relativement à notre position dans le monde. On ne m’appelle que « reine » ; mon père veut me détrôner, je le ferai plier ; je le connais, car, lui, c’est moi dans beaucoup de choses.


Mardi 15 août (3 août). — La maison est gaie et claire comme une lanterne. Les fleurs embaument, le perroquet parle, les canaris chantent, les domestiques courent. Vers onze heures un bruit de clochettes nous annonça un voisin. C’était M. Hamaley. Ne dirait-on pas un Anglais ? Eh bien, pas du tout, une ancienne et noble famille de la petite Russie. Sa femme est une des Prodgers d’ici.

Mon bagage n’étant pas arrivé (nous sommes descendus une station plus tôt qu’il ne fallait), je me suis montrée en robe de chambre blanche ; quelle immense différence moi à présent et moi il y a un an ! Il y a un an j’osais à peine parler, « je ne savais que dire. » Comme Marguerite, à présent je suis grande. Ce monsieur a déjeuné avec nous ; que veut-on que je dise de lui et de ceux que je verrai ? Excellentes gens, mais sentant la province d’une lieue.

Vers le dîner qui suit de très près le déjeuner, une autre visite, le frère du susdit : — jeune homme, a beaucoup