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Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/266

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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

presque abasourdi de me voir. Il me parle de la grande anxiété de mon père, qui était terriblement inquiet, pensant que je ne viendrais pas chez lui. Il ne faisait que demander les dépêches que j’envoyais à mon oncle, pour savoir où j’en étais de mon voyage.

En un mot, le plus grand empressement de me voir, sinon par amour, du moins par amour-propre.

L’oncle Alexandre lança quelques pierres dans son jardin, mais ma politique est de rester neutre. Il me fit avoir un coupé en me présentant le colonel des gendarmes Menzenkanoff, qui me céda le sien.

Je me sens bien dans mon pays ; tout cela me connaît, moi, ou les miens ; rien d’équivoque dans la position et on marche et on respire librement. Mais je ne voudrais pas vivre ici, oh ! non, non !

Ce matin à six heures nous arrivons à Poltava. Personne à la gare.

Arrivés à l’hôtel ; j’écris la lettre suivante ; la brusquerie réussit souvent :

« J’arrive à Poltava, et je ne trouve même pas une voiture.

« Venez tout de suite, je vous attends à midi. En vérité, on ne me fait pas une réception convenable.

« Marie Bashkirtseff. »


La lettre était à peine partie que mon père se précipitait dans la chambre et je me jetai dans ses bras avec une noble lenteur. Il fut visiblement satisfait de ma figure, car son premier soin fut d’examiner mon physique avec une sorte de hâte.

— Comme tu es grande ! Je ne m’y attendais pas, et jolie ; oui, oui, bien, fort bien, en effet.