Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/496

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ses yeux verdâtres étincelaient d’un feu sauvage, et le poil de sa barbe se hérissait de colère ; mais, comme une bête féroce qui joue avec sa proie avant de la dévorer, il tenait en bride sa rage et se complaisait à d’amères railleries.

« Eh bien, voilà, j’espère, un pieux chien lâché à la fin parmi nous autres pécheurs ! — un saint, — un gentilhomme, — pas moins que ça, pour nous prêcher sur nos péchés ! quel miracle de saint ça fait ! Ici, drôle, qui te pique de faire le dévot, ne sais-tu pas qu’il y a dans la Bible : « Serviteurs, obéissez à vos maîtres ! » Suis-je pas ton maître ? n’ai-je pas payé douze cents dollars, en bons écus sonnants, pour tout ce qu’il y a dans ta maudite carcasse noire ? N’es-tu pas à moi, corps et âme ? dit-il, en donnant à Tom un violent coup de pied de sa lourde botte. Réponds ! »

Plongé dans un abîme de souffrance physique, terrassé sous une brutale oppression, Tom, à cette demande, sentit un rayon de joie et de triomphe traverser son âme. Il se redressa tout à coup, et contemplant le ciel avec ardeur, à travers le sang et les larmes qui se mêlaient sur son visage, il s’écria :

« Non, non, non ! mon âme n’est pas à vous, maître ! vous ne l’avez pas achetée, — vous ne pouvez pas l’acheter ! Elle a été rachetée et payée par Celui qui a puissance pour la garder ! qu’importe le reste ! vous ne pouvez pas me faire de mal.

— Ah ! je ne le peux pas ? dit Legris avec un hideux rugissement. Nous allons voir ! Ici, Sambo ! Quimbo ! donnez-moi à ce chien une roulée dont il ne se relèvera pas d’un mois ! »

Les deux gigantesques nègres qui s’emparèrent alors de Tom, avec une joie démoniaque, semblaient de véritables suppôts de Satan. La pauvre mulâtresse poussa un cri d’effroi, et tous, comme par une impulsion générale, se levèrent, au moment où Tom, qui n’opposait aucune