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Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/22

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parce que chacune des invitées avait des enfants à coucher et autres soins domestiques à remplir ; et comme dans ces temps de simplicité, on invitait les gens parce qu’on désirait les voir, la réunion avait lieu à trois heures et se prolongeait jusqu’au coucher du soleil, heure à laquelle chaque matrone roulait son tricot et s’en retournait paisiblement chez elle.

Bien que Newport, à cette époque reculée, ne fût pas sans quelques familles affichant le luxe et la splendeur, parcourant le pays dans de magnifiques voitures armoriées et ayant des domestiques en grand nombre, cependant là, comme partout dans la Nouvelle-Angleterre, la grande majorité menait l’existence simple et laborieuse des anciens temps, alors que le travail et l’intelligence, se donnant la main, vivaient ensemble en meilleure harmonie qu’on ne les a peut-être jamais vus depuis.

Notre scène s’ouvre dans la grande cuisine où se tient habituellement la famille Scudder. Je sais que nos délicats modernes s’imaginent que la pièce ou ont lieu les opérations culinaires indispensables à une famille doit nécessairement être un endroit malpropre et peu confortable, mais cela vient de ce qu’ils ignorent les prodiges qu’opère journellement cette femme de ressource dont nous avons ci-dessus énuméré les talents.

La cuisine d’une matrone de la Nouvelle-Angleterre était son palais, son orgueil. Elle avait pour habitude d’y produire les plus grands résultats avec le moindre dérangement possible, et ce que pouvait une autre femme, mistress Scudder l’accomplissait par excellence. Là, tout semblait toujours fait et jamais ne se faire. La cuisson du pain et le savonnage, ces ennemis formidables de la tranquillité des familles étaient achevées dans ces deux ou trois heures matinales pendant lesquelles nous nous livrons à un dernier nomme ; et le linge qu’on voyait flotter au vent par-dessus le mur de la cour, les lundis matin, révélait seul qu’avait eu lieu la redoutable solennité d’un blanchissage.

Le déjeuner s’y dressait comme par enchantement ; puis, en un clin d’œil, fourchettes, cuillers, couteaux, propres et