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Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/23

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brillants, étaient remis à leur place, l’air aussi innocents, aussi indifférents que s’ils n’avaient jamais servi, et n’eussent jamais dû servir.

Le plancher… mais vous vous rappelez sans doute le plancher de votre grand’mère, avec ses planches immaculées, recouvertes du sable le plus fin et le plus blanc ; vous vous rappelez la grande cheminée occupant tout le fond de la cuisine, vaste caverne dans chaque coin de laquelle se trouvait un confortable siège assez éloigné pour qu’on pût y jouir du joyeux pétillement d’un grand feu de bois.

Sur un dressoir étaient rangés quantités de plats et d’assiettes d’étain toujours brillants comme de l’argent, et à côté du feu un commode banc de bois à dossier s’offrait à des gens trop peu accoutumés au luxe pour regretter l’absence d’un coussin. Oh ! cette cuisine du bon vieux temps, la cuisine propre, vaste, originale, confortable de la Nouvelle-Angleterre ! Qu’est-ce qui y a déjeuné, dîné ou soupé, et n’a pas conservé le souvenir de son bon ordre en tout temps, de sa chaleur en hiver, de sa fraîcheur en été ! La marque de midi de son plancher avait marqué nos jours les plus heureux ; au moyen de cette marque nous corrigions les écarts de la vieille horloge, dont le tic tac solennel nous semblait la mystérieuse prophétie de joies futures. Comme on y rêvait pendant le crépuscule d’hiver, alors que les chandelles n’étaient pas encore allumées, que les cricris chantaient autour du noir foyer, et qu’à la lueur des langues de flamme, de grandes ombres mouvantes se dessinaient sur le mur, tandis que la grand’mère s’endormait sur son tricot, que le chat faisait ronron et que le vieux Rover, couché devant le feu, ouvrait tantôt un œil, tantôt l’autre sur le groupe de famille ! Que nos maisons plafonnées ne nous fassent pas oublier la cuisine de nos grand’mères !

Mais revenons à notre sujet, c’est-à-dire à la cuisine particulière de mistress Katy Scudder, qui vient de mettre dans le four, placé auprès de la cheminée, de merveilleux gâteaux, pour la composition desquels elle jouit d’une haute réputation. Elle a examiné et déclaré réussi un gâteau préparé pour la circonstance, qui, comme de coutume, est cuit