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Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/24

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juste à point, ni trop ni trop peu. Le salon a été ouvert et chauffé, on a secoué amicalement les rideaux blancs comme on dit bonjour à des amis, car vous saurez que, si propre que soit notre cuisine, nous sommes gens comme il faut, et nous avons quelque chose de mieux à offrir à la compagnie. Notre salon a une jolie table d’acajou verni et six fauteuils également en acajou ; le sable frais qui couvre le plancher est dentelé en petits festons comme ceux que tracent les vagues sur la plage, et dans l’une des encoignures est un buffet dont les portes de verre laissent entrevoir les magnificences du thé de cérémonie. C’est une douzaine de tasses en véritable porcelaine de Chine, que Georges a achetées à Canton et fait marquer à ses initiales et à celles de sa femme réunies ; un petit pot à crème en argent qui s’est transmis dans la famille de génération en génération ; des petites cuillers d’argent et des plats de Chine pour les gâteaux, qui tous ont été soigneusement essuyés avec des serviettes filées par mistress Scudder.

Celle-ci, ayant achevé tous ses préparatifs, s’essuie maintenant les mains dans la cuisine, tandis que sa fille, la douce Marie, est debout dans le passage, le soleil couchant dorant de ses reflets ses cheveux châtain-clair. C’est une petite figure, en jupon de laine rayée avec un pardessus blanc ; elle tend la main, elle appelle d’un ton caressant, et bientôt une colombe de Java vient se percher sur son doigt ; nous, qui avons vu des tableaux, nous songeons, en regardant ce jeune visage avec ses lignes régulières, l’expression à demi enfantine de sa bouche charmante et je ne sais quel air général de pureté et de simplicité, nous songeons à quelque vieille peinture de la Vierge adolescente. Mais mistress Scudder, je vous en réponds, est à mille lieues d’avoir de ces idées papistes. Je ne crois pas qu’on pût lui faire une plus sensible injure qu’en parlant ainsi de sa fille. Elle n’avait jamais vu de peinture de sa vie, par conséquent Marie n’eût pu lui en rappeler aucune ; en outre, il était évident que la colombe, quelle qu’en fût la raison, n’était pas dans ses bonnes grâces, car elle dit d’un ton mécontent :

« Allons, allons, Marie ! Ne reste pas là à niaiser avec cet