Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oiseau, il est plus que temps de nous habiller. » Marie, rougissant jusqu’à la racine des cheveux, donna une petite secousse à l’oiseau, qui s’envola et disparut entre les fleurs roses des pommiers. Et maintenant que Marie et sa mère sont chacune dans leur chambre, occupées de leur toilette, tandis que la porte est fermée et que personne ne peut nous entendre, nous allons vous parler de Marie.

Notre pauvre petite héroïne n’était point de ces demoiselles que forment les pensionnats d’aujourd’hui et que nous voyons en négligé de soie chatoyante, au milieu d’une agréable profusion de bijoux, de rubans, de colifichets, de dentelles et d’adorateurs, discourir à perte de vue sur tous les sujets imaginables. Quoique sa mère valût un monde à elle seule pour l’énergie et la « ressource, » et qu’elle eût dépensé sur cet unique objet de ses affections, en vigueur , en soins et en bons enseignements, de quoi suffire à seize enfants, le résultat n’était pas de nature à être fort apprécié de nos jours. Marie ne savait ni valser, ni polker, ni baragouiner en français, ni chanter des romances italiennes ; mais il faut néanmoins que nous vous disions quelle avait été son éducation et en quoi consistaient ses talents.

Eh bien donc, elle savait lire et écrire couramment dans sa langue natale. Elle savait filer sur le grand et le petit rouet, et les armoires étaient pleines de serviettes, de nappes, de draps et de taies d’oreiller qui attestaient l’habileté de ses petits doigts. Elle avait façonné plusieurs canevas d’une si rare beauté, qu’on les avait encadrés ; ils étaient suspensdus dans les différentes pièces de la maison, étalant aux yeux une infinie variété de dessins à l’aiguille admirablement exécutés. Marie excellait à coudre et à broder, à tailler et à ajuster les vêtements avec une adresse tranquille qui surprenait son énergique mère. Celle-ci ne pouvait comprendre qu’on fit tant de choses avec si peu de bruit. Bref, pour tous les soins du ménage, c’était une vraie fée, dont le savoir semblait infaillible et inné ; et, soit qu’elle lavât ou repassât le linge, qu’elle fît un pain an beurre ou préparât une compote, sa douce beauté semblait colorer de poésie toute la prose de la vie.