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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/119

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LA FEMME DU DOCTEUR

Il était debout depuis six heures du matin, courant chez ses malades et expédiant le travail d’une journée en quelques heures. Il était naturellement rentré pour s’habiller et il avait revêtu ses habits les plus frais et les plus élégants. C’était en un mot l’incarnation d’un des personnages d’une gravure de modes pour juin 1852 qu’on voit encore, maculée par les mouches, dans la montre d’un tailleur de Cambridge. Il avait un bouton de rose à la boutonnière et à la main un bouquet de fleurs printanières — jonquilles, lilas, aubépine, pivoines, et bruyères, — que Jeffson avait cueillies et attachées à l’intention d’Isabel, bien que George eût fait remarquer à son fidèle intendant que le jardin de M. Raymond en contenait de plus belles.

— Ne vous inquiétez pas, Master George, — dit l’homme du comté d’York ; — la jeune fille trouvera les fleurs jolies venant de vous.

Il va sans dire qu’il n’entrait pas un instant dans l’esprit de Jeffson qu’aucune femme pût faire autrement que d’accueillir avec plaisir les attentions de son jeune maître, à plus forte raison lorsqu’il s’agissait d’une jeune fille isolée obligée de gagner sa vie chez les étrangers.

— J’aimerais à voir Mlle Sleaford, Master George, — dit Jeffson d’un ton insinuant, au moment où George rassemblait les rênes et caressait Brown Molly avant de se mettre en selle.

George rougit comme les pivoines qui formaient le milieu de son bouquet.

— Je ne sais pas pourquoi vous verriez Mlle Sleaford plutôt qu’une autre, Jeff, — dit-il.

— N’importe le motif, Master George ; j’aimerais à la voir… je donnerais beaucoup pour la voir.