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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/129

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LA FEMME DU DOCTEUR

de six pence, quel beau soldat au combat de la vie ! quel héros triomphant il serait ! Mais dans l’état des choses, il n’est rien de plus que colonel de milice, avec un magnifique uniforme et un grand sabre qui ne sert qu’à la parade ; pauvre Roland ! pauvre Roland ! — murmura tristement M. Raymond en remettant le petit volume dans sa poche ; — cela me fait tant de peine que, vous aussi, vous soyez infecté de cette affreuse maladie de notre époque, de ce cynisme fatal qui fait de la jeunesse un mal que l’âge seul peut guérir.

Mais il n’eut pas le temps de réfléchir plus longuement sur M. Roland Lansdell, seigneur et maître du Prieuré de Lansdell, un des plus beaux domaines du Midland, lequel, en ce moment, faisait en Grèce une excursion à la Byron, qui durait depuis tantôt six mois, et qui, vraisemblablement, devait encore durer au moins autant.

Il était alors près de trois heures, et le moment était venu d’ouvrir les paniers. Ce fut ce que déclara M. Raymond lorsqu’il rejoignit ses jeunes compagnons, et cela à la grande joie des orphelines qui étaient toujours affamées, mangeaient énormément, et néanmoins restaient si pâles et si maigres qu’elles présentaient un couple de phénomènes perpétuels pour l’œil du physiologiste. Les paniers avaient été apportés sous un abri couvert de lierre placé au sommet de la cascade. En cet endroit M. Raymond les ouvrit et sortit un à un tous ses trésors. D’abord une langue fumée, puis deux poulets froids, un paquet de sandwichs aux anchois, un énorme gâteau, à la vue duquel les yeux des orphelines étincelèrent, des caprices délicats sous forme de pâtisseries, des biscuits semi-