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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/153

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LA FEMME DU DOCTEUR

chambres et lui montra une vieille table à ouvrage sur laquelle était posée une boîte en bois de rose où se voyaient des écheveaux de soie passés de couleur et emmêlés.

— Ma mère avait l’habitude de se mettre à cette table pour travailler. Vous vous servirez de la vieille boîte à ouvrage, n’est-ce pas, Izzie ? — demanda tendrement George.

Il s’était habitué à l’appeler Izzie, il s’était familiarisé avec elle, et il lui faisait ses confidences comme si elle avait été sa femme et qu’aucun événement ne pût les séparer. Il avait cessé de la regarder comme un être supérieur qu’il n’était donné qu’à un petit nombre de privilégiés de connaître et d’adorer. Il l’aimait aussi sincèrement que jamais ; mais comme il n’avait rien en lui de poétique ni de sentimental, le court accès d’émotion romanesque qu’il avait ressenti lorsqu’il était devenu amoureux d’elle disparut, et le jeune homme ne tarda pas à contempler son prochain mariage avec un calme parfait. Il osa même, à l’occasion, sermonner Isabel sur sa passion pour la lecture des romans, son dédain des travaux à l’aiguille, et son incroyable ignorance au sujet des puddings. Il tournait les feuillets de son livre d’heures et lui indiquait la place des hymnes qu’on chantait à l’église ; il lui faisait suivre la lecture des leçons, à l’aide du service religieux imprimé en encre plus pâle et en caractères minuscules ; et il la regardait sévèrement quand il surprenait ses regards fixés, pendant le sermon, sur les chapeaux environnants. Toutes les idées du jeune homme sur la supériorité masculine lui revinrent lorsqu’il se fut familiarisé avec Mlle Sleaford ; mais, malgré cela, il l’aimait comme un honnête homme sait