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LA FEMME DU DOCTEUR

tête du convoi, et entama à haute voix le débit du catalogue des curiosités renfermées dans le vestibule du noble château. C’était une salle magnifique où se voyaient rangées symétriquement, le long des murailles, les effigies armées de pied en cap des guerriers disparus. Entre ces portraits, des panoplies composées de haches d’armes, de casques à cimiers, d’andouillers gigantesques, de casse-tête indiens, de peaux de loups canadiens, et d’armes australiennes. Les lambris disparaissaient sous ces objets multiples et derrière des casiers pour les archives, meubles massifs en chêne ou en bois d’ébène sculpté. Trois fenêtres très-encaissées dominaient le plus ravissant paysage et le plus coquet ruisseau de toute l’Angleterre.

Pendant que la femme de charge se déroulait comme une boîte à musique que l’on vient de remonter, en mettant autant d’expression et d’âme dans ses paroles qu’on en trouve dans les mélodies populaires interprétées par une tabatière à musique, Raymond conduisit Isabel à la fenêtre et lui montra les eaux azurées de la Wayverne se précipitant à travers les masses de rochers et de verts bouleaux sur un lit de cailloux qui brillaient au soleil, puis jouant à cache-cache sous le feuillage des saules, babillant en courant à travers les mousses d’un vert d’émeraude et les sables dorés, et enfin se jetant avec un élan soudain dans les tranquilles profondeurs au-dessous du pont.

— Regardez ceci, mon enfant, — dit Raymond, — ce n’est pas dans le catalogue. Je vous apprendrai tout ce que vous voudrez connaître sur le château, et nous traiterons la dame à la robe de soie comme les habitants de Londres traitent les joueurs d’orgue. Nous lui donnerons une demi-couronne pour qu’elle s’en