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LA FEMME DU DOCTEUR.

aille et qu’elle nous laisse regarder à notre guise les tableaux, les armures, les armes, les tapisseries, et la célèbre table de toilette ornée de sa pelote, sur laquelle Sa Gracieuse Majesté enfonça l’épingle qu’elle retira de la bride de son chapeau, lorsqu’elle daigna déjeuner chez lord Warncliffe il y a un ou deux ans. Tout ceci, dans l’opinion de la femme de charge, c’est la perle du catalogue. Mais nous examinerons les tableaux sans elle, madame Gilbert, et je vous en expliquerai le sujet.

À mon avis, le château de Warncliffe est l’un des sites les plus agréables du royaume. Les salles n’en sont ni nombreuses ni très-vastes. Les tableaux ne sont pas en grand nombre, mais ils sont très-choisis, et placés à portée des regards, ils n’obligent pas à cette tension de l’épine dorsale qui fait un supplice de la visite du plus grand nombre des musées. Le château de Warncliffe est semblable à un souper fin ; les plats ne sont pas innombrables, mais ils sont si bons qu’on se prend à désirer qu’ils soient plus abondants. Je suis allé à Hampton Court avec des gens qui vous donnent quarante minutes pour faire toutes les chambres, et une après-midi de dimanche à Versailles avec un cicérone qui, chaque fois que je regardais un tableau, me rappelait sévèrement qu’il me restait encore quatre-vingts salons à voir avant le dîner. Mais à Warncliffe vous parcourez à loisir une succession de salles claires et gaies qui ont de plus le charme de paraître habitées par les propriétaires. Vous ne voyez pas seulement des Murillos et des Titiens, des Lelys et des Van-Dycks, accrochés aux murailles, mais encore des guéridons couverts de livres, des ouvrages féminins semés çà et là ; puis, de quelque côté que vous vous tourniez, la