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LA FEMME DU DOCTEUR.

du Calvaire n’était qu’une nouvelle forme de la mort de Socrate, une autre immolation du génie et de la vérité à l’ignorance fanatique de l’humanité.

— Je m’efforcerai de vivre honnêtement et d’être utile à mes semblables, — avait dit Lansdell en quittant Magdalen College, à Oxford, emportant une brillante réputation et les souhaits de ses éminents professeurs.

Il commença la vie avec cette conviction solidement implantée dans l’esprit. Il se savait riche et il n’ignorait pas qu’on attendait de lui beaucoup de choses. La parabole des Talents n’était pas sans porter son instruction pour lui bien qu’il ne crût pas à la divinité du Maître. Il n’était pas enthousiaste, mais il était sincère ; il siégea au Parlement comme un libéral avancé, et se mit à l’œuvre honnêtement pour se rendre utile à son prochain.

Hélas ! pauvres gens que nous tous ! Il reconnut que la tâche était plus pénible que le travail de Sisyphe ou le supplice des filles de Danaüs. Le rocher retombait sans cesse sur le travailleur, l’eau s’échappait perpétuellement du tonneau perforé. Il s’occupa des ouvriers, fonda un club pour eux, où on leur faisait des cours sur la géologie et l’astronomie, et où, après douze heures passées à cimenter des briques ou à macadamiser les routes, ils pouvaient s’instruire par la lecture des œuvres de Stuart Mill ou de Mac Cullock, — où ils pouvaient se procurer toutes choses, excepté deux objets fort simples qu’ils désiraient surtout : une pinte de bière potable et la faculté de fumer tranquillement leurs pipes. Roland était le dernier homme qui pût songer à fonder une institution quelconque sur des principes puritains ; mais il n’avait pas