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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/217

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LA FEMME DU DOCTEUR

luire pour lui. Dieu sait les efforts qu’il avait tentés pour percer le voile — avec quelle patience il avait guetté l’étoile ; mais les horribles ténèbres ne s’éclaircirent pas ; la lueur mystique ne brilla pas. Lui qui riait de tout, il n’avait jamais ri de ce suprême mystère dont la splendeur lui était cachée. Il avait envié les naïfs fervents agenouillés devant les autels éclairés de cierges, sous les ailes sombres des cathédrales étrangères ; il avait envié leur foi puérile et simple, qui pouvait voir la gloire divine au milieu de cette splendeur fanée des fleurs artificielles, des candélabres dorés, et des images de cire. Il ne désirait pas de trésor plus grand que cette grande puissance de la foi, et il eût volontiers donné toute sa science mondaine pour devenir un de ces petits enfants qu’il voyait, les jours de grandes fêtes, couronnés de roses blanches et tenant à la main les cierges sacrés.

Roland n’avait pas la foi. Parfois, dans les jours de solennités religieuses, il pénétrait dans ces cathédrales majestueuses et se tenait au milieu de la foule recueillie, aussi digne et aussi respectueux que le plus respectueux des fidèles, car c’était un homme du monde et il respectait la foi des autres. Il aimait l’harmonie grandiose des orgues, les notes argentines des voix de soprani, il se sentait pénétrer du sentiment religieux du lieu et du moment, mais il ne croyait pas. Il croyait à l’existence d’un Homme grand et bon qui vint enseigner la morale la plus pure qu’ait jamais conçue le génie et qui donna sa vie pour témoigner de sa sincérité ; mais il ne comprenait rien au delà ; et, n’ayant pas la foi, il ne pouvait croire que ce qu’il pouvait comprendre. Pour lui le Rédempteur des hommes n’était qu’un grand législateur, le sacrifice