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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/225

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LA FEMME DU DOCTEUR

marquis de Heatherland. Je suis heureux de voir que notre famille s’élève dans le monde.

— Ah ! oui ! il y a longtemps qu’il est question de cela, — répondit tranquillement le jeune homme. — Tout le monde s’est aperçu que Heatherland avait gagné beaucoup de terrain il y a six mois. Il fait la cour à votre cousine depuis leur rencontre aux Buissons, le château de Sir Francis Luxmoor, dans le comté de Leicester. On disait cependant que vous étiez fort bien vu aussi, mais je suppose que c’était simplement une coquetterie de cousinage.

— Oui, — dit Lansdell, jetant son journal et prenant son porte-cigare, — je crois que c’est ainsi que Gwendoline l’envisageait. Vous savez, je suis resté six mois au chevet de ma mère mourante. Je ne pouvais assurément pas occuper si longtemps le souvenir de ma cousine. Voudriez-vous me donner du feu pour mon cigare.

Les visages des deux jeunes gens étaient très-rapprochés pendant que Roland allumait son cigare. Le teint verdâtre de Lansdell avait légèrement pâli, mais sa main était ferme et il fuma la moitié de son trabuco avant de quitter le club. Le coup était violent et inattendu, mais l’amoureux de Gwendoline le supporta en philosophe.

— Je suis malheureux parce que je l’ai perdue, — pensait-il ; — mais aurais-je été heureux avec elle si je l’avais épousée ? Ai-je jamais connu le bonheur dans ma vie, ou plutôt, existe-t-il quelque chose comme le bonheur sur cette terre ? J’ai joué toutes mes cartes et perdu la partie. La philanthropie, l’ambition, l’amour, l’amitié, j’ai perdu sur chacune d’elles. Il est temps que je commence à jouir de la vie.