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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/226

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LA FEMME DU DOCTEUR.

C’est pourquoi Lansdell donna sa démission et quitta un pays où il n’avait jamais été parfaitement heureux. Il ne manquait pas d’amis sur le continent, et comme il était riche, beau et accompli, il était fêté et caressé partout où il allait. On l’admirait et il aurait pu être aimé ; mais ce premier désappointement avait fait son œuvre fatale, et il ne croyait plus qu’il existât au monde une affection pure et désintéressée pour un jeune homme possédant un patrimoine au soleil et quinze mille livres sterling de revenu.

Aussi perdit-il son temps dans les salons et les boudoirs, sous les balcons au clair de la lune, dans les bosquets touffus d’oranger, sur les rives de l’Arno limpide, sous les colonnades de Venise, sur les boulevards parisiens, à l’ombre des tilleuls de Berlin, partout où se trouvent la vie, l’animation, la gaieté, et l’éclat des jolies femmes, et où un homme, d’un caractère mélancolique, peut s’oublier lui-même et s’amuser. Il partit avec l’intention de ne pas mal faire ; mais en n’ayant pour guide d’autre principe que celui-là, un homme peut commettre un grand nombre d’actions mauvaises.

À l’étranger, la vie de Lansdell ne fut ni bonne ni utile. C’était une sorte d’existence artificielle, avec ses plaisirs de convention, son éclat menteur ; — une existence dont les beaux moments compensaient mal la réaction de tristesse qui les suivait. Pendant ce temps, Gwendoline ne devint pas marquise de Heatherland ; car, moins d’un mois avant le jour fixé pour le mariage, le jeune lord Heatherland se rompit le cou dans un steeple-chase en Irlande.

Ce fut un désappointement amer et terrible, mais Gwendoline prouva son éducation et sa philosophie