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LA FEMME DU DOCTEUR.

sa place dans le livre des beautés, et elle pouvait voir son image souriante aux devantures des marchands de gravures du West End, ornée d’un front d’une élévation surnaturelle et de boucles tombant jusque sur ses genoux ; mais elle sentait qu’elle était vieille, — très-vieille. Les commères du grand monde racontaient ouvertement le scandale du jour devant elle et disaient : « Nous savons qu’on peut causer devant vous, chère Gwendoline. » Une femme a vécu ses jeunes années quand on lui dit de pareilles choses.

Elle se sentait très-vieille. Elle avait mené une de ces existences à haute pression dans lesquelles une année compte pour dix, et une fois arrivée à l’âge mûr, isolée dans la vie, elle s’apercevait que son père était pauvre, que ses biens étaient hypothéqués, et qu’elle était condamnée à vivre au jour le jour à moins que quelque parent éloigné, sur lequel lord Ruysdale comptait, ne fût assez aimable pour mourir.

Le parent éloigné était mort dans l’année, et l’héritage qu’il avait laissé, bien qu’il ne fût pas considérable, avait remis à peu près sur pied les affaires du comte ; aussi était-il revenu à Lowlands après avoir vendu le bail et le mobilier de sa maison de ville. Il était absurde de conserver cette maison plus longtemps puisque Gwendoline avait trente-deux ans et ne se marierait plus jamais, disait lord Ruysdale. Il avait donc payé ses dettes, libéré ses terres de leurs nombreuses hypothèques, et il était revenu dans la maison de son enfance avec l’intention de devenir un agriculteur et un gentilhomme campagnard modèle.

C’est pourquoi, par ce beau soleil de juillet, nous trouvons Gwendoline et son cousin se promenant sur la pelouse, causant des plaisirs passés, des relations