Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
LA FEMME DU DOCTEUR

rompues, et des événements de leur jeunesse. Si Gwendoline avait conservé quelque espoir de voir Roland revenir à son premier culte, cet espoir avait dû s’évanouir. Il lui avait pardonné le passé et ils étaient redevenus les amis et les cousins des premiers jours, mais rien ne pouvait faire admettre un instant que l’amour perdu pût jamais renaître. Un homme qui sait pardonner si généreusement a depuis longtemps oublié son amour ; cette étrange folie, qui touche de si près à la haine, à la jalousie, à la rage, au désespoir, n’a rien de commun avec le pardon et l’oubli. Gwendoline n’ignorait pas que toute espérance était perdue. Elle le savait et il y avait en son cœur une secrète amertume quand elle y pensait. Elle était jalouse des attentions de son cousin et exigeante dans ses rapports avec lui. Roland supportait tout cela avec une bonne humeur imperturbable. Il avait été emporté et impatient autrefois, lorsqu’il était jeune et chevaleresque et désireux d’être utile à son prochain : mais, aujourd’hui, il n’était plus qu’un flâneur nonchalant sur la surface terrestre, et sa foi était celle du célèbre Américain qui a déclaré qu’il n’y a rien de nouveau, rien de vrai, ni rien d’important.

Qu’importait-il en effet ? Ce qui est tordu ne saurait être redressé ; ce qui n’existe pas ne saurait être dénombré Roland était atteint, à un degré moindre, de cette fureur sauvage sous l’influence de laquelle Swift écrivit Gulliver, et Byron effraya la société avec son Don Juan. Il souffrait de ce désespoir rêveur de l’âme qui s’empara d’Hamlet après le mariage de sa mère, et ce lorsque ni l’homme ni la femme ne lui plaisent.

Mais n’allez pas croire que ce jeune homme prit