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LA FEMME DU DOCTEUR.

— Oh ! George, — s’écria Mme Gilbert d’un ton de triomphe et de ravissement, — j’ai rencontré M. Lansdell, qui a été fort poli et qui s’est arrêté bien longtemps pour causer avec moi ; et nous y allons mardi, et lady Gwendoline Pomphrey y sera, — pense donc, George !

— Où cela allons-nous ? — dit George.

— Mais au Prieuré de Mordred, assurément. Nous y prendrons le luncheon : et à propos, George, ne va pas t’aviser d’appeler cela le lunch. Et il faut que j’écrive pour dire si tu acceptes ; mais naturellement tu acceptes, n’est-ce pas, George ?

— Hum ! — murmura Gilbert d’un air de réflexion, — mardi est un mauvais jour. Mais enfin, comme tu dis, Izzie, c’est une fort belle connaissance et on ne doit pas négliger une pareille occasion d’augmenter sa clientèle. Oui, je pense que cela pourra s’arranger, ma bonne. Tu peux lui écrire que nous irons.

Et c’était tout ; nul ravissement, pas la moindre étincelle d’enthousiasme. Pour ne rien cacher, le médecin avait faim et il voulait dîner. Le dîner arriva sur ces entrefaites, embaumant l’air, mais si vulgaire ! C’était un ragoût irlandais, un affreux dîner bon pour des Hiberniens qui ont passé la journée à maçonner. Isabel mangea fort peu, et pêcha tous les fragments d’oignon qu’elle trouva avec la pointe de sa fourchette et les mit de côté sur son assiette. Quoi qu’il en arrivât, jamais elle ne mangerait des oignons. Elle pouvait, au moins, éviter cette dégradation.

Après le dîner, George s’occupa dans son laboratoire, et Mme Gilbert se mit à l’œuvre pour composer sa lettre pour Lansdell. Elle allait lui écrire — à lui !