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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/258

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LA FEMME DU DOCTEUR.

tasse de thé et d’une tranche de bœuf froid, si toutefois il y en avait.

On lui dressa un couvert sur une petite table et on apporta un énorme aloyau. Mais Lansdell ne fit pas une bien grande brèche dans ce morceau de résistance. Lui et Raymond avaient beaucoup de choses à se dire. Lansdell se montra très-affable avec les enfants, leur fit beaucoup de questions sur leurs études et leur institutrice, qui était de Conventford et qui était allée ce jour-là prendre le thé avec ses amies, puis, insensiblement, la conversation tomba sur leur première gouvernante, Isabel Sleaford, et les orphelines avaient beaucoup de choses à dire à son sujet. Elle était bien jolie et leur racontait de bien belles histoires : Eugène Aram et le Giaour — comment ce méchant noir Hassan attachait sa sœur dans un sac pour aller la noyer, parce qu’il ne voulait pas qu’elle épousât le Giaour ! Mlle Sleaford avait mis la romanesque histoire à la portée des jeunes années de ses élèves.

— Oui, disaient ces jeunes personnes, — elles aimaient tendrement Mlle Sleaford, — elle était si gentille, et quelquefois, le soir, quand on l’en priait bien, bien fort, elle jouait, (les petites filles prononcèrent ce mot d’un air mystérieux) ; ah ! comme c’était beau ! Elle jouait Hamlet et le Spectre ; tantôt drapée dans un grand manteau de velours noir, elle était Hamlet ; tantôt brandissant une règle d’acajou, elle représentait le Spectre ; et elle jouait si bien le Spectre que parfois elles avaient peur et n’osaient plus sortir sans lumière de la salle d’étude et sans serrer bien fort la main de quelqu’un.

Puis Raymond se mit à rire, et dit à Roland ce qu’il pensait d’Isabel, au point de vue phrénologique et autrement.