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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/273

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LA FEMME DU DOCTEUR

revenais de Suisse dans le but de renouveler quelques baux et d’examiner quantité d’affaires d’intérêt fort ennuyeuses, que mon homme d’affaires avait exigé, à mon grand regret, que je traitasse en personne. Pendant mon séjour à la ville, je passai aux bureaux de la United Joint Stock Bank, succursale de Temple Bar, afin de me procurer des lettres de crédit près des différents correspondants de Constantinople et de plusieurs autres villes. Je restai au bureau quelques minutes à peine. Mais tandis que je causais avec un des employés, un homme entra et se tint debout à côté de moi, pendant qu’il présentait un chèque de quatre-vingt-sept livres dix shillings, ou d’une somme approchant, mais assurément très-voisine de la centaine. Il reçut l’argent et s’éloigna. Cet homme avait l’aspect d’un domestique sans livrée. Je quittai les bureaux immédiatement après lui et comme il prenait un petit passage qui conduit au Temple, je le suivis à quelques pas, car j’avais affaire dans Paper Buildings. À l’extrémité du passage, mon ami le domestique fut accosté par un homme de haute taille, à gros favoris noirs, qui semblait l’attendre, car il le saisit brusquement par le bras et lui dit : « Eh bien ! est-ce fait ? » — « Oui, » répondit l’autre, en frappant son gousset dans lequel se fit entendre le cliquetis de fer. Je l’avais vu mettre l’or et les billets dans la poche de son gilet. « Mais vous n’aviez pas besoin de me guetter de si près, » ajouta l’homme d’un ton brusque, « je n’allais pas me sauver avec, je pense. » L’homme aux favoris noirs m’avait aperçu pendant ce temps. Il dit à voix basse à son compagnon quelques paroles pour lui recommander le silence, puis il l’entraîna sans plus de cérémonie dans la direction opposée à celle que je suivais.