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LA FEMME DU DOCTEUR

mond et des orphelines. Il aurait même répondu du temps, pendant qu’il y était. Du même coup, il accepta pour lui, son hôte, et son hôtesse, l’invitation de dîner à Mordred le dimanche suivant.

— Vous savez très-bien que vous le pouvez, Izzie, — dit-il en réponse au murmure improbateur de Mme Gilbert. — Cela n’a pas le sens commun de parler d’engagements antérieurs dans une ville comme Graybridge, où personne ne dîne en ville, et où l’on regarde comme un crime une petite soirée, le dimanche. Lansdell a toujours été un bon vivant et je ne suis pas étonné qu’il en soit encore un, par la raison que si vous tournez les rameaux d’un arbre dans leur direction naturelle, l’arbre n’en déviera pas, comme dit le philosophe. Il me tarde surtout de revoir Mordred : car pour vous dire toute la vérité, Lansdell, — dit Smith avec candeur, — je pensais à prendre le château pour la scène de mon prochain roman. La façade orientale et le vieux jardin carré ont un aspect sombre et délabré qui ferait effet, j’en suis sûr, dans le public ordinaire. Quant aux caves, — continua Sigismund, prenant feu soudainement, — je les ai parcourues avec une lanterne et je ne doute pas qu’on y puisse loger à l’aise un régiment de cadavres, considération de quelque valeur, si l’œuvre paraissait dans les feuilles à un sou, car dans ces feuilles un cadavre en amène un autre et on ne sait jamais, lorsqu’on commence, jusqu’où l’on peut être entraîné. Quoi qu’il en soit, mon idée actuelle est un roman en trois volumes. Maintenant, Lansdell, quel est votre avis sur la façade orientale du château. J’augmenterai l’aspect sinistre, je laisserai le jardin en friche en le faisant dominer par quelque cèdre frappé de la foudre, j’introduirai des rats derrière les lambris,