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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/298

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LA FEMME DU DOCTEUR.

et, partout, une vétusté avancée. On entendrait dans les escaliers les pas d’un spectre et les tapisseries s’agiteraient violemment, sans cause apparente, à des époques périodiques ! Que pensez-vous de Mordred combiné avec deux frères jumeaux qui se haïraient depuis le berceau, qui aimeraient tous deux la même femme et dont l’un, le brun, ayant une cicatrice au front, murerait vivante la jeune femme dans une chambre reculée, tandis que son frère, celui qui n’a pas de cicatrice, consacrerait sa vie à la chercher dans des pays lointains, en compagnie d’un officier et d’un agent de police ? C’est une idée encore informe, — ajouta modestement Smith, — mais je lui donnerai la dernière main en voyageant et en courant à travers champs. Rien de meilleur que les voyages en chemin de fer et les courses à pied pour parachever une idée de cette espèce.

Lansdell déclara que sa maison et les dépendances étaient entièrement au service de son jeune ami, et il fut convenu que le dîner champêtre aurait lieu le samedi, et qu’on dînerait le dimanche à Mordred. Sigismund répondit de l’adhésion de son ami Gilbert. Puis la conversation s’égara dans des régions moins prosaïques ; Roland et Smith parlèrent des hommes et des livres, tandis qu’Isabel écoutait et se bornait à glisser de loin en loin quelque observation sentimentale, que le seigneur du Prieuré de Mordred écoutait avec autant de déférence que si celle qui parlait avait été une Mme de Staël. Ce qu’elle disait n’avait probablement rien d’extraordinaire, mais ce qui était remarquable, c’était ces rougeurs qui paraissaient et disparaissaient sur son pâle visage, tandis qu’elle parlait, aussi tremblantes et saccadées que l’ombre de l’aile d’un papillon flottant