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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/299

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LA FEMME DU DOCTEUR

au-dessus d’une rose blanche ; et ce reflet doré de ses regards, plus merveilleux que les plus rares merveilles des contes de fée.

Mais il écoutait toujours, et il la regardait toujours d’une certaine manière qu’il avait adoptée dans ses rapports avec elle. C’était une charmante enfant, et lui, homme du monde, fatigué et blasé par les hommes et les femmes qu’on rencontre dans le monde, il était distrait et intéressé par sa naïveté et sa sentimentalité. Il ne faisait donc pas de mal en cultivant sa connaissance quand le hasard la jetait sur son chemin, comme cela avait lieu si fréquemment depuis quelque temps. Il n’y avait pas de mal, tant qu’il se tiendrait à la position qu’il avait choisie pour lui-même ; tant qu’il contemplerait cette jeune femme imprudente à travers le gouffre de sa jeunesse gaspillée sans but ; tant qu’il la regarderait comme un être radieux et inabordable séparé de lui autant par la différence de leurs natures que par le fait qu’elle était l’épouse légitime de George Gilbert de Graybride-sur-la-Wayverne.

Lansdell s’efforça de garder la position qu’il avait choisie auprès d’Isabel. Il faisait sans cesse allusion à son âge ; âge qu’on ne pouvait calculer d’après le nombre d’années qu’il avait passées en ce bas monde ; mais bien d’après la ruine qui avait suivi ces lourdes années et la décadence dont il était la victime pour la même raison.

— Je crois que d’après le calendrier je ne suis votre aîné que d’une dizaine d’années environ, — dit-il un certain jour à Izzie ; mais quand je vous entends parler de vos livres et de vos héros il me semble que j’ai vécu un siècle.

Il prit la peine de faire souvent de petits discours