Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
LA FEMME DU DOCTEUR.

de ce genre, pour l’édification de Mme Gilbert, et il arrivait parfois que la femme du médecin était interdite, même blessée par son langage et ses manières, qui l’un et les autres étaient sujets à de brusques transitions qui rendaient perplexe une personne naïve. Lansdell était capricieux et fantasque et il lui arrivait de s’arrêter au milieu d’une tirade sentimentale digne d’Ernest Maltravers ou d’Eugène Aram lui-même, pour railler l’absurdité des phrases qu’il prononçait. Là-dessus, il s’asseyait d’un air réfléchi et s’amusait à tirer pendant dix minutes les oreilles de son chien d’arrêt favori, puis il se levait et souhaitait avec quelque brusquerie le bonjour à Isabel. Mme Gilbert prenait fort à cœur ces changements de manière. C’était certainement sa faute ; elle avait lâché quelque sottise ou quelque parole de mauvais goût. Son frère Horace ne s’était-il pas moqué d’elle et ne l’avait-il pas raillée de son mauvais goût, parce qu’elle préférait Byron au Bell’s Life et qu’elle trouvait plus d’intérêt dans Édith Dombey que dans les favoris pour la course des Oaks ? Elle avait dit quelque chose qui avait paru affecté, bien qu’elle l’eût dit dans la naïveté de son cœur ; et Lansdell s’était retiré tout chagriné par sa conversation. Mériter son mépris, — elle ne pensait jamais à lui qu’en italiques, — quelle amertume ! Jamais, non jamais, elle ne retournerait au Roc de Thurston. Mais souvent, après un de ces adieux d’une brusquerie déplaisante, Lansdell arrivait à Graybridge. Il venait prier Gilbert d’aller voir un domestique de la ferme qui paraissait en très-mauvaise santé, le pauvre diable, et qu’on ne pouvait laisser plus longtemps sans conseil médical. Lansdell aimait fort à augmenter la clientèle du médecin de Graybridge.