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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/82

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LA FEMME DU DOCTEUR.

ou qu’il n’en voulait donner ; assurément personne n’avait à se plaindre. Des visiteurs officieux lui suggéraient parfois tel changement ou telle amélioration dans l’ordonnance du jardin ; mais Jeffson leur répondait par un sourire tranquille et endormi, en s’appuyant sur sa bêche :

— J’ai vécu toute ma vie dans les jardins ; je sais par conséquent ce qu’on en peut tirer ou ce qu’on n’en peut pas faire.

En un mot, Jeffson et sa femme faisaient ce qui leur plaisait dans la maison du médecin et avaient toujours agi ainsi depuis le jour où ils avaient accompagné dans le Midland leur cousine, la charmante Mme Gilbert. Ils ne recevaient que de faibles gages du mari de leur parente, mais ils avaient leur appartement particulier, vivaient à leur fantaisie, réglaient l’existence de leur maître et de leur maîtresse, et idolâtraient l’enfant à tête blonde qui vint bientôt au monde et qui grandit sous leurs yeux, quand les regards caressants de sa mère eurent cessé de veiller sur ses pas vacillants, ou de désirer la présence de sa figure naïve et ouverte. Jeffson pouvait bien négliger le jardin du médecin à cause de ce tempérament lymphatique qui lui était propre ; mais il y avait une occupation pour laquelle l’énergie ne lui manquait pas, un but qui lui faisait oublier toute fatigue. Il ne se lassait jamais d’un travail quelconque qui pouvait contribuer au plaisir ou à l’amusement du fils unique de M. Gilbert. Il portait l’enfant sur ses épaules à des distances énormes pendant la saison de la fenaison, à cette époque où l’air est parfumé des senteurs des herbes et des fleurs. Il se glissait à travers les haies d’épine dans les taillis épais pour y aller