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LA FEMME DU DOCTEUR

chercher des mûres et des noisettes à Master George. Il décida son maître à faire l’emplette d’un poney lorsque l’enfant eut atteint cinq ans, et le jeune gaillard put trotter jusqu’à Wareham, à côté de Jeffson, lorsque le jardinier allait faire des emplettes pour la maison de Graybridge. Jeffson n’avait pas d’enfant et il aimait le fils du médecin avec toute la tendresse d’une nature particulièrement capable d’amour et de dévouement.

Ce fut un jour bien triste pour lui que celui où George entra au Pensionnat classique et commercial de Wareham ; et sans ces bonnes soirées du samedi pendant lesquelles il allait chercher l’enfant pour des vacances qui duraient jusqu’au dimanche soir, le pauvre William aurait perdu tout le plaisir de son existence. À quoi bon la fenaison si George n’était pas là au bon moment, grimpant sur le chariot chargé, ou debout, rouge et triomphant, au grand soleil, au sommet de la meule nouvelle ? Quoi de plus ennuyeux que de nourrir les porcs, ou de traire la vache, à moins que George ne fût là pour changer le travail en plaisir par le seul fait de sa présence. William s’acquittait de sa tâche avec une contenance grave pendant l’absence de l’enfant, et il ne s’égayait que dans ces délicieuses après-midi du samedi pendant lesquelles George arrivait en courant vers la petite porte bâtarde du jardin du docteur Gilbert en accueillant par des cris joyeux l’arrivée de son ami. Ni l’orage, ni la pluie, ni la grêle, ni la neige, ni la glace, rien, en un mot, des intempéries que nous prodigue le ciel, ne pouvait empêcher Jeffson de paraître ponctuellement à la petite porte. Que lui importaient les pluies torrentielles et les coups de tonnerre qui semblaient ébranler