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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/142

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LES OISEAUX DE PROIE

du second mariage de sa mère, mais pas assez cependant pour n’avoir pas ressenti un vrai chagrin de la mort de son père. Tom avait tendrement aimé cette enfant de sept ans, au teint frais, aux yeux pétillants, et elle le lui avait rendu. Souvent ensemble ils avaient fait de petites causettes. Il lui avait parlé de l’avenir qu’il voyait en beau, de la nouvelle ferme qui serait un paradis comparée à Hiley, du poney que monterait Charlotte dès qu’elle pourrait porter une amazone, et d’autres choses encore. La petite fille s’était rappelé tout cela, et quand son père mourut elle eut le sentiment que quelque chose de grave s’accomplissait dans sa vie. Elle s’en souvenait et le regrettait, bien qu’elle eût maintenant dix-neuf ans et fût près de quitter la pension. Il va de soi qu’elle n’aimait pas Sheldon ; non-seulement il avait usurpé la place de son père, mais il était en tous points le contraire de celui-ci. Il avait tellement dominé sa mère que Charlotte était comme seule au monde ; il remplissait néanmoins, comme peu savent le faire, les devoirs de beau-père. Charlotte reconnaissait qu’il était très-bon pour elle, que c’était un excellent mari, un homme aussi consciencieux que respectable ; mais elle déclarait avec une égale sincérité qu’elle ne pourrait jamais parvenir à avoir de l’affection pour lui.

« J’avoue que c’est très-mal de ma part de ne pas l’aimer, lui qui est si bon et si généreux pour moi, disait-elle à ses amies ; mais il m’est impossible d’être à l’aise avec lui. Je m’efforce quelquefois de le considérer comme mon père, mais j’échoue tout à fait. Parfois, je le vois en rêve, et, c’est bizarre, lui qui est doux pour moi, je le vois toujours méchant. Ses yeux et ses favoris noirs sont peut-être la cause de cela, ajoutait mélancoliquement Mlle Halliday, mais c’est certainement fâcheux